“Les hommes passent et la terre reste“, tel est le mantra du Domaine Trapet. C’est donc avec une joie à peine contenue que nous nous sommes rendues sur les terres de cette superbe propriété. C’était pour nous l’occasion de (re)découvrir le domaine, ses hommes et ses vins. Partez avec nous au cœur de Gevrey-Chambertin, dans cet iconique écrin bourguignon.
Les caves du Domaine Trapet
Un domaine historique et familial au coeur de Gevrey-Chambertin
Nous quittons les bureaux de Cavissima en direction de Gevrey-Chambertin. Les vignes sont déjà bien développées alors que le mois de juillet commence tout juste. Nous arrivons au domaine dans la matinée et sommes chaleureusement accueillies par l’équipe.
La chaleur de l’été s’arrête aux portes des caves du domaine dans lesquelles nous pénétrons. Les trente degrés de la cour intérieure laissent place à une fraîcheur clémente et idéale pour la préservation des vins. Quelques mètres sous terre se trouvent les cuves béton et une belle collection de petits œufs en ciment utilisés pour la vinification du millésime 2021. Les gelées de printemps ont largement réduit les rendements de la récolte sur le millésime. Les petites quantités de raisins ont nécessité des vinifications précises et en petit contenant, notamment dans ces œufs. Comme toujours chez Trapet, les vinifications se déroulent avec le moins d’interventions possibles et avec une forte proportion de vendanges entières.
Nous continuons la visite de la cave avec les cuves en inox tronconiques et ovoïdes servant à l’élevage mais aussi à l’assemblage des cuvées. L’équipe nous explique que le recours aux cuves inox ovoïdes fait partie de leur démarche en biodynamie. Pour eux, cette forme permet au vin de garder l’expression la plus pure du fruit. Les lies sont mises en suspension de manière naturelle ce qui nourrit le vin en continu.
Le vin, en contact de ses lies, est préservé de l’oxydation ce qui permet de réduire les doses de SO2 et de préserver l’expression la plus pure du fruit.
Quelques mètres plus loin nous attend la cave d’élevage du domaine. Là, le millésime 2021 est élevé tranquillement dans des fûts de chêne français sélectionnés avec soin. Plusieurs tonneliers sont représentés et chaque chauffe est adaptée au caractère du millésime. L’idée n’est pas de marquer les vins avec des notes boisées trop prononcées mais d’accompagner le vin pour que son équilibre se révèle à la perfection.
Balades dans les vignes
La famille Trapet, biodynamiste convaincue
De retour à la surface, Jean-Louis Trapet nous entraîne pour une balade dans les vignes. Réputé comme l’un des plus grands vignerons de la Côte de Nuits, il a repris le domaine familial fondé par son arrière-grand-père en 1870 et en a fait une grande institution bourguignonne. Avec sa femme Andrée, également vigneronne en Alsace, ils ont développé le vignoble et se sont inscrits dans une démarche très respectueuse de l’environnement. Ce biodynamiste convaincu a converti le vignoble dès 1995. Il était alors l’un des premiers en Bourgogne.
Nous faisons quelques kilomètres jusqu’au Latricières-Chambertin Grand Cru. Nous sommes surprises par la singularité de la parcelle qui se démarque des autres par la hauteur de ses vignes. Chaque pied est attaché à un échalas : un piquet de bois enfoncé dans la terre qui soutient le cep. Cette technique appelée aussi vignes en peso ou échalas permet d’obtenir un feuillage de 2 mètres de hauteur. La différence visuelle avec les vignes voisines, conduites de manière classique, en palissage est saisissante.
Jean-Louis nous explique les raisons de cette évolution récente :
- La vigne étant plus haute, l’ombre portée de chaque rang protège les grappes du rang suivant contre les ensoleillements importants.
- Les vignes ne sont pas rognées ce qui permet d’éviter le passage de tracteurs dans les vignes et diminue le tassement des sols.
- L’apex qui constitue le sommet de la vigne est préservé et agit comme un organe sensitif. La vigne est l’interface entre le sol et son environnement. L’apex joue ce rôle de transmission entre l’environnement, la vigne et ses racines.
- Chaque pied est indépendant et séparé du prochain, ce qui permet au vent de circuler facilement, de limiter la stagnation de l’humidité et ainsi de préserver des conditions sanitaires saines.
- Aussi, cette disposition permet de protéger les vendangeurs et tailleurs des fortes chaleurs estivales. Pour Jean-Louis, la valeur du domaine réside également dans ses hommes : prendre soin des mains qui travaillent les vignes permet aux vins de s’élever.
En plus de cette évolution, la famille a décidé d’introduire des plantes compagnes. Ils plantent 1 arbuste d’un espèce endogène tous les 5 ceps. Cette technique s’inscrit dans la démarche biodynamique du domaine. Jean-Louis nous explique qu’en Biodynamie, le vigneron accompagne la vigne pour qu’elle se développe. Le vigneron est là pour lui donner les moyens de résister seule. Développer la biodiversité et réimplanter ces espèces autour de la vigne lui permet de se renforcer et se prémunir contre les attaques extérieures.
Une dégustation au sommet
Dégustation guidée entre l’Alsace et la Bourgogne
Quelques gouttes de pluie (trop rares au goût de Jean-Louis) sonnent notre repli à la table d’hôte du domaine. Nous prenons finalement place en terrasse pour débuter la dégustation. Nous commençons avec deux Aligotés 2020 situés sur le climat « Sous-Châtelet » à Auxey-Duresses. L’aligoté, planté en 1934, est vinifié dans 3 cuvées avec des vinifications différentes. Nous dégustons l’Aligoté classique très frais et fruité et la version macérée plus épicée, avec une belle amertume.
La dégustation se poursuit avec les cuvées A Minima en blanc et en rouge. Cette gamme est élaborée avec le moins de SO2 possible et sans soufre à la mise en bouteille (depuis 1996). Le blanc, venu d’Alsace, est un assemblage de 4 cépages et offre une très belle intensité aromatique. Le nez du rouge nous séduit par son élégance et ses notes de fleurs.
Nous comparons ensuite le Gevrey 1859 sur deux millésimes 2020 et 2021. Cette cuvée est issue de la plus vieille parcelle de la famille. Très jeunes, les deux millésimes offrent des caractères bien différents. Le millésime 2020 plus intense et concentré est complexe et profond. Le 2021, éclatant et plein de finesse, impressionne par son raffinement.
Le Gevrey-Chambertin en ergot 2021, aussi appelé Petite Chapelle est issu d’une parcelle de 40 ares et offre une bouteille haute couture. Le pinot noir est encore jeune mais se révèle déjà avec beaucoup de complexité et de profondeur.
La dégustation est ponctuée des lectures des écrits de l’arrière-grand-père de Jean-Louis. Nous apprenons alors que le domaine a été l’un des premiers à faire le choix des porte-greffes américains pour lutter contre le phylloxera. Cette maladie de la vigne qui décimait le vignoble français a pu être arrêtée grâce à ces fameux porte-greffes américains qui se sont répandus de façon homogène sur le territoire.
Nous sommes impressionnées par le Chambertin Grand Cru 2006. Jean-Louis nous explique les similitudes avec le profil de millésime 2021 et nous nous projetons sur le potentiel d’évolution possible sur ce type de millésime bourguignon. La fraîcheur saisissante de la cuvée s’accompagne de notes de balsamiques, de roses et de sous-bois magnifiques.
Enfin, la dégustation se clôture avec 4 vins alsaciens qui accompagnent admirablement les fromages :
- Riquewihr 2021 offre un fruit éclatant, fin et frais.
- Le Schoenenbourg 2016 est un riesling colossal qui offre beaucoup de rondeur en bouche. La minéralité incroyable de la cuvée lui permet de se garder des années !
- Sporen 2016 et sa pointe de sucres résiduels nous fait l’effet d’une caresse.
- Enfin, nous découvrons le Vin Orange nommé Ambre en 2021. La fine amertume et la trame tannique subtile apporte une structure agréable à la cuvée.
La dégustation prend fin et nous remercions Jean-Louis pour son accueil. Il a partagé avec nous son immense passion pour ses vignes et ses vins.
